Y a-t-il vraiment une vraie et une fausse noblesse ?
Quiconque s’intéresse au monde nobiliaire a rencontré l’expression franchement péjorative de fausse noblesse et de noblesse d’apparence. On a vu ainsi des articles (du Figaro par exemple) expliqué que le premier ministre Dominique de Villepin n’était pas noble (un faux noble) alors que Nicolas Sarkozy qui n’utilise pas ça particule dans sa vie courante est bel et bien un véritable aristocrate… il y a même des encyclopédies ou listes dédiées au phénomène de la fausse noblesse et de la noblesse d’apparence, une véritable liste noire pour les familles concernées…
En réalité il n’existe plus de noblesse aujourd’hui en France ; il existe des individus dont un ancêtre en ligne patrilinéaire directe a été soit reconnu comme noble par la couronne ou bien anoblie par un procédé reconnu. L’ANF (association de la noblesse française) et donc une association de telles personnes avec la contrainte supplémentaire, si l’on peut dire, que des règles précises transmission de la noblesse doigtent être respectées. Dans ce contexte, noblesse ne veut pas dire caractère ou même valeur mais seulement critères historiquement légaux mais sans valeur légale actuelle (sauf pour la procédure d’investiture de titre par le ministère de la justice, procédure qui se fait indépendamment de l’ANF).
S’il n’existe plus de vraie noblesse, il n’existe pas non plus de fausse noblesse et on ne peut accuser une personne ou famille d’être faux noble seulement si cette personne ou famille se présente publiquement comme véritablement noble dans le sens historique évoqué ci-dessus (système ANF).
L’expression « noblesse d’apparence » est peut-être plus appropriée dans le sens où une famille ayant un nom d’apparence noble peut-être une certaine culture nobiliaire (possession d’un manoir ou hôtel particulier par exemple) sera probablement perçu comme étant « noble » par une certaine frange de la population.
Parfois, la frontière entre la noblesse historique (noblesse achevée et documentée) la noblesse d’apparence ou d’assimilation est difficile puisque le le corps social de la noblesse a eu vocation à évoluer et bien sûr à s’élargir. Si l’on considère la noblesse historique, on peut distinguer :
- les familles royales ou impériales ayant raidi sur la France qui forme une catégorie à part même aux yeux du Service du Sceau de France
- la noblesse immémoriale (Montmorency, Rohan)
- la noblesse de robe et de charges
- la noblesse d’opportunité (bourgeois ayant pu acheter une lettre noblesse)
- la noblesse inachevée qui techniquement appartient à cette noblesse dite d’apparence
- la noblesse d’agrégation, également inachevée, qui correspond à la haute bourgeoisie en processus plus ou moins finalisé d’intégration à la classe sociale de la noblesse par mariage, ajout de particules, achat de château etc.
En réalité, il n’y a que très peu de famille ayant un patronyme avec une particule entièrement non significative par rapport aux classes ci-dessus. On peut penser à « du Moulin » pour un boulanger ou « du Champs » pour un cultivateur. Par contre, il est probable que le patronyme Dugas de la Grange corresponde à une évolution sociale vers le haut (donc voilà noblesse) plutôt qu’un ajout complètement accidentel ayant rapport avec l’acquisition d’une grange sur une ferme.
Pour les ancêtres de celles et ceux qui la portent aujourd’hui, la prise d’une particule a donc pu être le signe visible et permanent d’une ascension sociale. (Coulmont 2019)
Plutôt que de parler de fausse noblesse ou de noblesse d’apparence, on pourrait plutôt parler d’une classe bourgeoise en transition est inspiré par le modèle nobiliaire, avec l’intention sous l’Ancien Régime et sous l’Empire de s’agréger à cette classe sociale généralement reconnue comme prestigieuse.
Aujourd’hui, la noblesse n’existe plus comme classe ayant un statut légal mais il existe bel et bien en France une stratification sociale ou les familles d’ascendance noble et les familles d’apparence noble semblent se mélanger de façon homogène et convergente. Il a peut-être chez les familles bourgeoises cherchant à assimiler au modèle nobiliaire une démarche plus délibérée de s’associer à ce modèle, alors qu’il est possible d’imaginer qu’un rejeton de vieille famille accorde que très peu d’importance de valeur à cet héritage.